Texte :ARAGON
Musique :Léo FERRÉ
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
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Tout est affaire de décor Changer de lit changer de corps A quoi bon puisque c'est encore Moi qui moi-même me trahis Moi qui me traîne et m'éparpille Et mon ombre se déshabille Dans les bras semblables des filles Où j'ai cru trouver un pays
Cœur léger cœur changeant cœur lourd Le temps de rêver est bien court Que faut-il faire de mes jours Que faut-il faire de mes nuits Je n'avais amour ni demeure Nulle part où je vive ou meure Je passais comme la rumeur Je m'endormais comme le bruit
Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent
C'était un temps déraisonnable On avait mis les morts à table On faisait des châteaux de sable On prenait les loups pour des chiens Tout changeait de pôle et d'épaule La pièce était-elle ou non drôle Moi si j'y tenais mal mon rôle C'était de n'y comprendre rien
Dans le quartier Hohenzollern Entre la Sarre et les casernes Comme les fleurs de la luzerne Fleurissaient les seins de Lola Elle avait un cœur d'hirondelle Sur le canapé du bordel Je venais m'allonger près d'elle Dans les hoquets du pianola
Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent
Le ciel était gris de nuages Il y volait des oies sauvages Qui criaient la mort au passage Au-dessus des maisons des quais Je les voyais par la fenêtre Leur chant triste entrait dans mon être Et je croyais y reconnaître Du Rainer Maria Rilke
Elle était brune elle était blanche Ses cheveux tombaient sur ses hanches Et la semaine et le dimanche Elle ouvrait à tous ses bras nus Elle avait des yeux de faïence Elle travaillait avec vaillance Pour un artilleur de Mayence Qui n'en est jamais revenu
Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent
Il est d'autres soldats en ville Et la nuit montent les civils Remets du rimmel à tes cils Lola qui t'en iras bientôt Encore un verre de liqueur Ce fut en avril à cinq heures Au petit jour que dans ton cœur Un dragon plongea son couteau
Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent Comme des soleils révolus |