Paroles : Léo FERRÉ
Musique : Léo FERRÉ
LES CHANTS DE LA FUREUR |
Version originale de "La Mémoire et le Mer", écrite entre 1960 et 1976.
Voyez comment Ferré a redécoupé ce texte pour en faire cette merveille!
Christie quand je t'ai vue plonger Mes vergues de roc où ça cogne Des feuilles mortes se peignaient Quelque part dans la Catalogne Le rite de mort aperçu Sous un divan de sapin triste Je m'en souviens j'étais perdu La Camarde est ma camériste C'était un peu après-midi Tu luisais des feux de l'écume On rentrait dans la chantilly Avec les psaumes de la brume La mer en bas disait ton nom Ce poudrier serti de lames Où Dieu se refait le chignon Quand on le prend pour une femme Ô chansons sures des marins Dans le port nagent des squelettes Et sur la dune mon destin Vend du cadavre à la vedette En croix granit christ bikini Comme un nègre d'enluminure Je le regarde réjoui Porter sur le dos mon carbure Les corbeaux blancs de Monsieur Poe Géométrisent sur l'aurore Et l'aube leur laisse le pot Où gît le homard nevermore Ces chiffres de plume et de vent Volent dans la mathématique Et se parallélisent tant Que l'horizon joint l'ESThétique L'eau cette glace non posée Cet immeuble cette mouvance Cette procédure mouillée Me fait comme un rat sa cadence Me dit de rester dans le clan A mâchonner les reverdures Sous les neiges de ce printemps A faire au froid bonne mesure Et que ferais-je nom de Dieu Sinon des pull-overs de peine Sinon de l'abstrait à mes yeux Comme lorsque je rentre en scène Sous les casseroles de toc Sous les perroquets sous les caches Avec du mauve plein le froc Et la vie louche sous les taches Cette rumeur qui vient de là Sous l'arc copain où je m'aveugle Ces mains qui me font du flafla Ces mains ruminantes qui meuglent Cette rumeur qui me suit longtemps Comme un mendiant sous l'anathème Comme l'ombre qui perd son temps A dessiner mon théorème Et sur mon maquillage roux S'en vient battre comme une porte Cette rumeur qui va debout Dans la rue aux musiques mortes C'est fini la mer c'est fini Sur la plage le sable bêle Comme des moutons d'infini Quand la mer bergère m'appelle Tous ces varechs me jazzent tant Que j'en ai mal aux symphonies Sur l'avenue bleue du jusant Mon appareil mon accalmie Ma veste verte de vert d'eau Ouverte à peine vers Jersey Me gerce l'âme et le carreau Que ma mouette a dérouillé Laisse passer de ce noroît À peine un peu d'embrun de sel Je ne sais rien de ce qu'on croit Je me crois sur le pont de Kehl Et vois des hommes vert-de-gris Qui font la queue dans la mémoire De ces pierres quand à midi Leur descend comme France-Soir La lumière du Monseigneur Tout à la nuit tout à la boue Je mets du bleu dans le décor Et ma polaire fait la moue J'ai la leucémie dans la marge Et je m'endors sur des brisants Quand mousse la crème du large Que l'on donne aux marins enfants Quand je me glisse dans le texte La vague me prend tout mon sang Je couche alors sur un prétexte Que j'adultère vaguement Je suis le sexe de la mer Qu'un peu de brume désavoue J'ouvre mon phare et j'y vois clair Je fais du Wonder à la proue Les coquillages figurants Sous les sunlights cassés liquides Jouent de la castagnette tant Qu'on dirait l'Espagne livide Je fais les bars américains Et je mets les squales en laisse Des chiens aboient dessous ton bien Ils me laisseront leur adresse Je suis triste comme un paquet Sémaphorant à la consigne Quand donnera-t-on le ticket A cet employé de la guigne Pour que je parte dans l'hiver Mon drap bleu collant à ma peau Manger du toc sous les feux verts Que la mer allume sous l'eau Avec les yeux d'habitants louches Qui nagent dur dedans l'espoir Beaux yeux de nuit comme des bouches Qui regardent des baisers noirs Avec mon encre Waterman Je suis un marin d'algue douce La mort est comme un policeman Qui passe sa vie à mes trousses Je lis les nouvelles au sec Avec un blanc de blanc dans l'arbre Et le journal pâlit avec Ses yeux plombé dessous le marbre J'ai son Jésus dans mon ciré Son tabernacle sous mon châle Pourvu qu'on s'en vienne mouiller Son chalutier sous mon Bengale Je danse ce soir sur le quai Une rumba toujours cubaine Ça n'est plus Messieurs les Anglais Qui tirent leur coup capitaine Le crépuscule des atouts Descend de plus en plus vers l'ouest Quand le général a la toux C'est nous qui toussons sur un geste Le tyran tire et le mort meurt Le pape fait l'œcuménique Avec des mitres de malheur Chaussant des binettes de biques Je prendrai le train de marée Avec le rêve de service A dix-neuf heures GMT Vers l'horizon qui pain d'épice O boys du tort et du malheur O beaux gamins des revoyures Nous nous reverrons sous les fleurs Qui là-bas poussent des augures Les fleurs vertes des pénardos Les fleurs mauves de la régale Et puis les noires de ces boss Qui prennent vos corps pour un châle Nous irons sonner la Raison A la colle de prétentaine Réveille-toi pour la saison C'est la folie qui se ramène C'est moi le dingue et le filou Le globetrotteur des chansons tristes Décravate-toi viens chez nous Mathieu te mettra sur la piste Reprends tes dix berges veux-tu Laisse un peu palabrer les autres A trop parler on meurt sais-tu T'a pas plus con que les apôtres Du silence où tu m'as laissé Musiquant des feuilles d'automne Je sais que jamais je n'irai Fumer la Raison de Sorbonne Mais je suis gras comme l'hiver Comme un hiver analgésiste Avec la rime au bout du vers Cassant la graine d'un artiste A bientôt Raison à bientôt Ici quelquefois tu me manques Viens je serai ton fou gâteau Je serai ta folie de planque Je suis le prophète bazar Le Jérémie des roses cuisses Une crevette sur le dard Et le dard dans les interstices Je baliverne mes ennuis Je dis que je suis à la pêche Et vers l'automne de mes nuits Je chandelle encore la chair fraîche Des bibelots des bonbons surs Des oraisons de bigornades Des salaisons de dessous mûrs Quand l'oeil descend sous les oeillades Regarde bien c'est là qu'il gît Le vert paradis de l'entraide Vers l'entre doux de ton doux nid Si tu me tends le cœur je cède Ça sent l'odeur des cafards doux Quand le crépuscule pommade Et que j'enflamme l'amadou Pour mieux brûler ta chair malade O ma frégate du palier Sur l'océan des cartons-pâtes Ta voilure est dans l'escalier Reviens vite que je t'empâte Une herbe douce comme un lit Un lit de taffetas de carne Une source dans le Midi Quand l'ombre glisse et me décharne Un sentiment de rémission Devant ta violette de Parme Me voilà soumis comme un pion Sur l'échiquier que ta main charme Le poète n'est pas régent De ses propriétés câlines Il va comme l'apôtre Jean Dormant un peu sur ta poitrine Il voit des oiseaux dans la nuit Il sait que l'amour n'est pas reine Et que le masculin gémit Dans la grammaire de tes chaînes Ton corps est comme un vase clos J'y pressens parfois une jarre Comme engloutie au fond des eaux Et qui attend des nageurs rares Tes bijoux ton blé ton vouloir Le plan de tes folles prairies Mes chevaux qui viennent te voir Au fond des mers quand tu les pries Mon organe qui fait ta voix Mon pardessus sur ta bronchite Mon alphabet pour que tu croies Que je suis là quand tu me quittes Un violon bleu se profilait La mer avec Bartok malade O musique des soirs de lait Quand la Voie Lactée sérénade Les coquillages incompris Accrochaient au roc leurs baroques Kystes de nacre et leurs soucis De vie perleuse et de breloques Dieu des granits ayez pitié De leur vocation de parure Quand le couteau vient s'immiscer Dans leurs castagnettes figures Le dessinateur de la mer Gomme sans trêve des pacages Ça bêle dur dans ce désert Les moutons broutent sous les pages Et la houle les entretient Leur laine tricote du large De quoi vêtir les yeux marins Qui dans de vieux songes déchargent Ô lavandière du jusant Les galets mouillés que tu laisses J'y vois comme des culs d'enfants Qui dessalent tant que tu baisses Reviens fille verte des fjords Reviens gorge bleue des suicides Que je traîne un peu sur tes bords Cette manie de mort liquide J'ai le vertige des suspects Sous la question qui les hasarde Vers le monde des muselés De la bouche et des mains cafardes Quand mon ange me fait du pied Je lui chatouille le complexe II a des ailes ce pédé Qui sont plus courtes que mon sexe Je ne suis qu'un oiseau fardé Un albatros de rémoulade Une mouche sur une taie Un oreiller pour sérénade Et ne sais pourtant d'où je viens Ni d'où me vient cette malfide Un peu de l'horizon jasmin Qui prend son " té" avec Euclide Je suis devenu le mourant Mourant le galet sur ta plage Christie je reste au demeurant Méditerranéen sauvage La marée je l'ai dans le cœur Qui me remonte comme un signe Je meurs de ma petite sœur De mon enfant et de mon cygne Un bateau ça dépend comment On l'arrime au port de justesse Il pleure de mon firmament Des années-lumière et j'en laisse Je suis le fantôme Jersey Celui qui vient les soirs de frime Te lancer la brume en baisers Et te ramasser dans ses rimes Comme le trémail de juillet Où luisait le loup solitaire Celui que je voyais briller Aux doigts du sable de la terre Rappelle-toi ce chien de mer Que nous libérions sur parole Et qui gueule dans le désert Des goémons de nécropole Je suis sûr que la vie est là Avec ses poumons de flanelle Quand il pleure de ces temps-là Le froid tout gris qui nous appelle Ô l'ange des plaisirs perdus Ô rumeurs d'une autre habitude Mes désirs dès lors ne sont plus Qu'un chagrin de ma solitude Je me souviens des soirs là-bas Et des sprints gagnés sur l'écume Cette bave des chevaux ras Au ras des rocs qui se consument Et le diable des soirs conquis Avec ses pâleurs de rescousse Et le squale des paradis Dans le milieu mouillé de mousse Ô parfum rare des salants Dans le poivre feu des gerçures Quand j'allais géométrisant Mon âme au creux de ta blessure Dans le désordre de ton cul Poissé dans les draps d'aube fine Je voyais un vitrail de plus Et toi fille verte de mon spleen Et je voyais ce qu'on pressent Quand on pressent l'entrevoyure Entre les persiennes du sang Et que les globules figurent Une mathématique bleue Dans cette mer jamais étale (D'où nous remonte peu à peu Cette mémoire des étoiles Ces étoiles qui font de l'œil A ces astronomes qu'escortent Des équations dans leur fauteuil A regarder des flammes mortes Je prierais Dieu si Dieu priait Et je coucherais sa compagne Sur mon grabat d'où chanteraient Les chanterelles de mon pagne Mais Dieu ne fait pas le détail Il ne prête qu'à ses Lumières Quand je renouvelle mon bail Je lui parlerai de son père Du fils de l'homme et du chagrin Quand je descendais sur la grève Et que dans la mer de satin Luisaient les lèvres de mes rêves Je ne suis qu'un amas de chair Un galaxique qui détale Dans les hôtels du monte-en-l'air Quand ma psycho se fait la malle Reviens fille verte des fjords Reviens violon des violonades Dans le port fanfarent les cors Pour le retour des camarades Je vais tout à l'heure fauchant Des moutons d'iceberg solaire Avec la Suisse entre leurs dents A brouter des idées-lumière Et des chevaux les appelant De leur pampa et des coursives Que j'invente à leurs naseaux blancs Comme le sperme de la rive Arrive marin d'outre temps Arrive marine d'extase Quand je m'arrête tu me prends Comme je te prends dans ta case Négresse bleue blues d'horizon Et les poissons que tu dégorges Depuis ton ventre et tes façons Quand ton "sexo" joue dans ta gorge Dans cette plaie comme d'un trou Grouillant de cris comme la vague Quand les goélands sont jaloux De l'architecte où s'extravaguent Des maçons aux dents de velours Et le ciment de leur salive A te cimenter pour l'amour Ton cul calculant la dérive Mes souvenirs s'en vont par deux Moi le terrien du Pacifique Je suis métis de mes aveux Je suis le silence en musique Le parfum des mondes perdus Le sourire de la comète Sous le casque de ta vertu Quand le coiffeur sèche ta tête Muselle-moi si tu le peux Toi dans ton ixe où le vacarme Sonne le glas dans le milieu Moi planté là avec mon arme Tu es de tous les continents Tu m'arrives comme la route Où s'exténuent dix mille amants Quand la pluie à ton cul s'égoutte O la mer de mes cent mille ans Je m'en souviens j'avais dix piges Et tu bandes ton arc pendant Que ma liqueur d'alors se fige Tu es ma glace et moi ton feu Parmi les algues tu promènes Cette déraison où je peux M'embrumer les bronches à ta traîne Et qu'ai-je donc à Iyriser Cette miction qui me lamente Dans ton lit j'allais te braquer Ta culotte sentait la menthe Et je remontais jusqu'au bord De ton goémon en soupente Et mes yeux te prenaient alors Ce blanc d'écume de l'attente Emme c2 Emme c2 Aime-moi donc ta parallèle Avec la mienne si tu veux S'entrianglera sous mes ailes Humant un peu par le dessous Je deviendrai ton olfacmouette Mon bec plongeant dans ton égout Quand Dieu se vide de ta tête Les vagues les vagues jamais Ne viendront repeupler le sable Où je me traîne désormais Attendant la marée du diable Ce copain qui nous tient la main Devant la mer crépusculaire Depuis que mon coeur dans le tien Mêle ton astre à ma Lumière Cette matière me parlant Ce silence troué de formes Mes chiens qui gisent m'appelant Mes pas que le sable déforme Cette cruelle exhalaison Qui monte des nuits de l'enfance Quand on respire à reculons Une goulée de souvenance Cette maison gantée de vent Avec son fichu de tempête Quand la vague lui ressemblant Met du champagne sur sa tête Ce toit sa tuile et toi sans moi Cette raison de ME survivre Entends le bruit qui vient d'en bas C'est la mer qui ferme son livre |