Paroles :Léo FERRÉ

Musique :Léo FERRÉ

 

LES POèTES

 

Voix-guitare

Ce sont de drôles de types qui vivent de leur plume

Ou qui ne vivent pas c'est selon la saison

Ce sont de drôles de types qui traversent la brume

Avec des pas d'oiseaux sous l'aile des chansons

Leur âme est en carafe sous les ponts de la Seine

Leurs sous dans les bouquins qu'ils n'ont jamais vendus

Leur femme est quelque part au bout d'une rengaine

Qui nous parle d'amour et de fruit défendu

Ils mettent des couleurs sur le gris des pavés

Quand ils marchent dessus ils se croient sur la mer

Ils mettent des rubans autour de l'alphabet

Et sortent dans la rue leurs mots pour prendre l'air

Ils ont des chiens parfois compagnons de misère

Et qui lèchent leurs mains de plume et d'amitié

Avec dans le museau la fidèle lumière

Qui les conduit vers les pays d'absurdité

 

Ce sont de drôles de types qui regardent les fleurs

Et qui voient dans leurs plis des sourires de femmes

Ce sont de drôles de types qui chantent le malheur

Sur les pianos du cœur et les violons de l'âme

Leurs bras tout déplumés se souviennent des ailes

Que la littérature accrochera plus tard

À leur spectre gelé au-dessus des poubelles

Où remourront leurs vers comme un effet de l'Art

Ils marchent dans l'azur la tête dans des villes

Et savent s'arrêter pour bénir les chevaux

Ils marchent dans l'horreur la tête dans des îles

Où n'abordent jamais les âmes des bourreaux

Ils ont des paradis que l'on dit d'artifice

Et l'on met en prison leurs quatrains de dix sous

Comme si l'on mettait aux fers un édifice

Sous prétexte que les bourgeois sont dans l'égout