Paroles :Lucien BOYER

Musique : Adolphe-Stanislas ZMIGRYDEN

 

BALLADE DES PLACES DE PARIS

Ça naît un beau soir sur la Butte,

Ça vient on ne sait trop comment,

Et puis d'cabrioles en culbutes,

Ça tombe dans les bras d'un amant.

Un joyeux enfant de Montmertre,

Pour deux ronds de frites un beau jour,

l'initie aux choses de l'amour,

Place du Tertre.

 

Comme on n'peut pas vivre sans galette,

Un jour qu'on n'a rien à briffer,

On s'en va vendre des violettes

A la terrasse des grands cafés.

La frimousse est plutôt pas mal,

Et tent' le pinceau d'un rapin,

Alors on pose les "Diane au Bain",

Place Pigalle.

 

La peinture c'est beau mais c'est triste,

Ça manque un peu d'essentiel,

Faut pas compter sur un artiste

Pour se meubler chez Dufayel,

On a d'la poitrine et des hanches

On sait qu'on est bien roulée, qu'on plaît,

Alors sur l'coup d'minuit on s'fait,

La place Blanche.

 

Puis pour un nom à particule,

On change le sien, trop roturier,

On s'flanque une couronne majuscule

Sur son bicéphale armorié.

On s'appelle Gisèle de Brantôme,

Ou Sophie de Pont à Mousson.

Et on arbore son écusson,

Place Vendôme.

 

Mais ça n'dure qu'le temps d'un caprice,

Paris, inconstant, s'est lassé

Passant à d'autres exercices,

Délaissant le joujou brisé.

C’est alors un bourgeois qui vous loge

Tout en lésinant sur les frais

Dans un vieil hôtel du Marais

Place des Vosges.

 

Mais le bourgeois est plein de principes

Et vous quitte pour raison de santé.

Tout ce qu’on a des meubles et de nippes

S’en va finir au mont de piété

On d'vient "la fée au maillot jaune"

Qu'admire sur les tréteaux forains

Les artilleurs du fort voisin,

Place du Trône.

 

Puis c'est la débauche, c'est la boue,

L'amour, ah ! quel métier d'enfer !

Et le dernier acte se joue

La nuit sur un trottoir désert.

Dans les fumées glacées de l'aube

Comme on ramasse un chien crevé,

On l'a r'trouvée sur le pavée,

D'la place Maube